samedi 8 avril 2017

CHAP. N° 11 — CLÉO



Rue des Granges 8




       La porte en noyer massif surmontée d’un dais de crêpe noir, est ouverte, un homme droit dans ses bottes examine les cartes avec la discrétion voulue. Je lui tends la mienne, il acquiesce de la tête et me fait signe d’entrer.
Je débouche sur une l’imposante cour du 18ème siècle qui respire l’argent, l’opulence et la discrétion.
 Après avoir traversé la cour pavée, je monte le large escalier de molasse aux marches usées au centre par les ans, qui m’amène dans l’immense salon du premier étage où de nombreuses personnes discutent à voix basse un verre à la main.
Je reste un moment sur le seuil, impressionné par cette ambiance étrange. Je m’apprête à repartir quand Cléo, qui m’a aperçu, se dirige vers moi.
– Viens, entre, tu veux boire quelque chose ?
– Un verre de vin, ce n’est pas de refus.
Renata, une matrone imposante qui semble être la gouvernante, dirige les opérations derrière un imposant buffet. 
– Rouge ou blanc monsieur ? 
– Cléo s’approche d’elle et lui murmure quelque chose à l’oreille. Renata  débouche une bouteille de vin rouge et me la tend, Cléo se saisit de deux verres en cristal de Bohême…
– Viens il y a trop de monde ici, allons à côté, nous serons plus tranquilles.
Nous pénétrons dans un merveilleux petit salon Louis XVl  au mobilier d’époque. Les murs sont garnis de livres anciens au dos de cuir râpé. Par la fenêtre, je peux admirer le parc des Bastions en contrebas. Tout respire le calme et la sérénité.
– Mon père venait souvent lire et se détendre ici, parfois je lui tenais compagnie, nous discutions de politique et de littérature. Sur ces rayons se trouvent 300 ans d’histoire de ma famille.
Nous sirotons notre vin tout en discutant de choses et d’autres. Vu les circonstances, c’est difficile d’aborder les sujets qui me tiennent a cœur.
Cette intimité avec Cléo me trouble au plus profond de mon être. Il me semble la connaitre depuis toujours. Ce n’est pas l’attirance physique habituelle que je ressens, non… plutôt une connivence, une harmonie de nos pensées.
Soudainement la porte s’ouvre, une dame à l’air sévère entre et s’arrête sur le pas de porte, interloquée à notre vue.
– Tu fais quoi Cléo… ici ? Tu devrais t’occuper de nos invités.
Cléo se lève… gênée.
– Maman, je te présente Blaise Le Wenk, un ami. Blaise connaissait bien papa, c’est un client de la banque. J’étais un peu fatiguée alors nous sommes retirés au calme un instant.
– Bonjour Madame, je vous présente mes sincères condoléances, veuillez m’excuser pour avoir distrait votre fille de ses obligations familiales.
Madame mère, me tend distraitement une main, tout en regardant par la fenêtre.
– Bonjour Monsieur… enchantée.
Elle fait un pas en arrière, et referme la porte.
– Eh bien… dis donc, ta mère n’est pas très chaleureuse, mais on peut l’excuser, vu les circonstances, ce n’est pas facile de faire face à une telle situation. Je vais te laisser, sinon ta mère va m’en vouloir de te retenir.
Cléo, je voudrais absolument te parler de mes projets, appelle-moi dès que possible. Et merci pour ton invitation.
Je me lève, la serre dans mes bras un bref instant. À bientôt.
Il me faudra patienter 1 semaine... Un matin, je reçois 2 téléphones…
Le premier est de mon avocat, qui me donne la date de naissance de Céline, la fille de Martina. C’est bien ce que je pensais, exactement 9 mois après notre nuit de folie à l’hôtel. Donc Céline est incontestablement ma fille.
L’homme avec qui Mme Martina vit actuellement est l’héritier d’un riche industriel suisse fabricant de machines à Winterthur. Je ne sais pas ce qui se trame, mais ce monsieur est atteint d’un cancer, et il n’aurait que peu de temps à vivre.
Je suis l’affaire, et je vous donnerai d’autres infos si nécessaire.
Le second est de Cléo.
– Blaise, c’est moi, Cléo. Je n’ai pas pu t’appeler plus vite, étant très occupée. J’ai un studio à Carouge, 6 rue Saint-Victor, viens m’y rejoindre cet après-midi, si tu peux.
– Oui, pas de problème, je viendrai vers 15 heures.
Ces derniers temps, une idée a fini par s’imposer dans ma recherche d’un projet qui corresponde à mes nouvelles aspirations. Je dois en parler avec Cléo.
J’ai 44 ans, je ne vais pas jusqu’à lui offrir un bouquet de fleurs, mais mon cœur bat la chamade comme celui d’un ado, lorsque je sonne à la porte de Cléo. Que m’arrive-t-il ? 







Cléo vient ouvrir, elle porte des shorts blancs serrés et très, très courts, et un maillot sans manche noir imprimé en lettre d’argent « Jack Daniel » le célèbre Bourbon Américain.








– Bonjour, Blaise, je suis très heureuse de te revoir. Entre.
Je reste les bras ballants, les mains vides, même pas une bouteille, et je n’ose quand même pas la prendre dans mes bras, malgré la furieuse envie qui me tenaille. J’entre et fait mine de l’embrasser sur la joue, mais Cléo tourne la tête et je tombe sur ses lèvres, je prolonge, elle prolonge, nous prolongeons.
Puis comme si de rien n’était, elle me prend par la main, et me guide vers un canapé-lit transformable grand ouvert. Toujours sans prononcer un mot, elle laisse tomber à ses pieds son petit short, le « Jack Daniel »… suit le même sort, et voilà Cléo nue devant moi. 
Pour la première fois, je suis emprunté devant une femme nue et je ne sais pas trop quelle attitude prendre, vu la tournure des événements.
Cléo fait 2 tours sur elle-même, les bras levés comme une ballerine. 
– Je ne te plais pas ?
– Eh… eh... non, non, ce n’est pas ça, tu m’as pris de vitesse. Ne t’inquiète pas, je vais te rattraper.
En deux... trois... mouvements, me voilà en tenue d’Adam, je saisis Cléo par la taille et l’entraîne dans une valse à 3 temps, elle est si légère que ses pieds ne touchent pas le sol.
Le frottement de nos corps nus finit par faire son effet, dans un ultime tour, nous tombons sur le canapé-lit. Je la plaque contre moi et nous restons immobiles, le temps de reprendre notre souffle. 
Je prends son visage entre mes mains et le couvre de baisers, je descends d’un étage et c’est au tour des ses seins qui sont si petits que j’ai l’impression d’avoir affaire à une ado. Ses tétons sont noirs et durs. Je poursuis la descente en direction du jardin de roses, je m’y plonge avec délice, en respirent les effluves piquants, pour finalement en goûter toute la saveur d’une langue gourmande.
Cléo, le corps tendu comme un arc, me tend les bras, viens... viens... maintenant. Je m’allonge au-dessus de son corps, dans la position du missionnaire et la pénètre profondément. J’y mets toute ma science du sexe, apprise durant toutes ces années avec des partenaires expertes en la matière. À un certain moment Cléo, suffoque.
– Tu m’écrases, laisse-moi prendre le dessus !
Cléo 55 kilos pour 1,65 mètre – Blaise 85 kilos pour 1,85 mètre. C’est vrai, dans l’action j’avais oublié.
D’autant que j’aime ça, et que Cléo en cavalière accomplie maîtrise bien son sujet.
Grand galop, petit trot et obstacles s’enchaînent dans une course échevelée.... bientôt la ligne d’arrivée est en vue, nous la passons ensemble, dans une envolée orgasmique. Un cri, un râle, et c’est une gerbe d’étoiles qui nous retombe dessus dans le bouquet final.
Étendus tous deux sur le dos, collés, serrés, sans bouger, dans un silence absolu, interrompu uniquement par le bruit du souffle qui soulève nos poitrines, nous restons là immobiles, tentant d’arrêter le temps qui fuit pour prolonger encore, le moment magique que nous venons de vivre.
Dès cet instant, Cléo et moi avons compris, ce que des millions de personnes cherchent désespérément tout au long de leur vie, et ne trouvent que rarement – nôtre âme sœur.
Je réclame une cigarette à Cléo. Attends, j’ai mieux, la voilà qui farfouille dans le tiroir de la table de nuit, et me tend ce qui ressemble à un pétard. Mais c’est qu’elle est pleine de surprises ma Cléo. 
Après l’avoir allumé, nous tirons dessus à tour de rôle. Houla... c’est du costaud. 
– Oui, de l’Afghan de première qualité.
Rien de tel pour détendre l’atmosphère, et se faire des confidences.
– Au fait, tu habites où, Blaise ?
– À l’hôtel, provisoirement. 
– J’ai mis ma vie en suspens dans l’attente d’un événement décisif, et cet événement, c’était toi.
 – Tu peux venir habiter ici, avec moi, si tu veux.
– D’accord, on ne se quitte plus dorénavant. À ce sujet, je voulais justement te parler d’un projet auquel j’ai réfléchi ces derniers jours. J’avais prévu de partir aux États-Unis, à Boston plus précisément, pour y rencontrer un maître japonais qui donne des cours sur ces nouvelles disciplines, dont je t’ai déjà parlé, et qui me tiennent à cœur ; macrobiotique – médecine taoïste – shiatsu – palm-healing – Do-in, etc.
Mais, maintenant, je n’irai plus nulle part sans toi. Veux-tu m’accompagner dans cette aventure ?
– Oui, sans hésiter, rien ne me retient ici, notre rencontre est un signe tellement évident et tes projets sont si enthousiasmants. Je vais régler rapidement mes affaires de famille en cours, je pense que dans 15 jours nous pourrions partir.– Je suis tellement heureuse, je crois que je suis amoureuse. Je t’aime Blaise. Cléo vient se lover dans mes bras.
Attention, l’effet du shit afghan est parfois exaltant.
– Très bien, dès ce soir, je viens m’installer chez toi. Nous allons pouvoir discuter de nos projets et mettre au point ce voyage. T’as rien à grignoter, dans ton frigo, en attendant, tout ça m’a donné faim.
Cléo s’assied sur le bord de lit et finit par se lever à regret.
– J’ai une bouteille de blanc, rien d’autre, tu sais, je ne suis que rarement là. Je prends vite une douche et je descends, à la boulangerie qui est en face. Tu veux quoi ?
– Sandwich...! 
J’ouvre le flacon en attendant. Cléo vient...
Je la prends dans mes bras et la serre contre ma poitrine, je crois que je t’aime aussi.
Nous discutons jusqu’au soir de nos vies passées. La bouteille de blanc est depuis longtemps vide et les sandwiches avalés.
Il est trop tard pour que je rentre à mon hôtel, le canapé-lit nous accueille pour notre première nuit d’amour.
Cette fois une nouvelle vie commence, la vraie, à plus de 40 ans.


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